Entre les deux mondes
Améliorer sa santé, connaître son sort et provoquer la pluie: Sputnik décrit au jour le jour des chamans de Touva.
Ces dernières années, la République russe de Touva, située dans le sud de la Sibérie, est un centre d'attraction pour tous ceux qui voudraient connaître le sens de la vie, s'initier à l'inconnu ou sont en quête d'exotisme, d'aventures et de nouvelles impressions. Ce territoire se trouve au carrefour des religions, des cultures et de phénomènes surprenants.
Le voyage de Moscou à Kyzyl, la capitale de la République de Touva, prend près de 24 heures. On entend souvent les langues étrangères dans les rues de la ville, dans les cafés et les hôtels. Les touristes s'y rendent pour apprécier la cuisine locale exotique, la nature et demander conseil aux chamans.
Les habitants affirment avec fierté que Touva est devenue la capitale du chamanisme mondial.
Paysages du Touva
«Demander conseil, améliorer la santé, connaître son sort»
Malgré le fait que le bouddhisme soit la religion historique de la république, beaucoup d'habitants éprouvent du respect pour les chamans et s'y adressent souvent. Les gens leurs posent les mêmes questions que leurs ancêtres: ils demandent conseil, veulent connaître leur destin. Des touristes se rendent souvent chez les chamans.

Les chamans procèdent à des divinations sur des pierres ou des épaules d'agneaux, à toutes sortes de cérémonies pour attirer la chance, le bien-être, expulser les maladies, bénir une maison ou une voiture. Chaque client paie en fonction de ses possibilités.

On m'a invité récemment dans la région d'Irkoutsk ravagée par la sécheresse, il fallait provoquer la pluie. Maintenant, ils me remercient.
Dopchun-Ool, chaman suprême du Touva
On trouve sans difficulté l'office de l'association des chamans à Kyzyl: chaque passant vous montrera la voie vers la «clinique». Une maison basse en bois est divisée en petites pièces où les chamans reçoivent les clients. Il y a toutes sortes d'attributs magiques: tambourins, mailloches, miroirs, pierres. Les chamans sont en costumes ornés de rubans et de broderies. On sent dans les pièces une odeur d'encens. Les chamans ne laissent personne toucher leurs attributs et ne sont pas disposés à en parler. Voici quelques-uns de leurs «instruments»:
Le miroir kuzungu et la patte d'ours
Le miroir appelé kuzungu constitue un des principaux outils du chaman. Avec ce miroir, le chaman réalise des rituels, soigne et prédit l'avenir. La patte d'ours peut être utilisée en tant que mailloche pour tambourin. Lors de leurs rituels les chamans touvains invoquent souvent l'esprit de l'ours.
Le tambour de chaman
On attache au tambourin des rubans multicolores (appelés tchalama), des clochettes et des grelots qui feraient fuir les mauvais esprits et protégeraient le chaman. La poignée du tambourin porte des images d'animaux, d'oiseaux, de visages humains qui incarnent l'esprit du chaman. Le tambourin symbolise l'élément féminin et la mailloche celui masculin.
Les Touvains ont toujours recouru à l'aide des chamans. Sinon comment faire si, par exemple, le bétail s'était égaré et qu'il fallait le retrouver? Le chaman réalise une divination sur les pierres et dit où se trouve la vache.
Sara Saryh-Ool, chamane
Au Touva, il y a sept organisations chamaniques qui sont officiellement enregistrées
Selon les données du mois d'octobre 2017 de l'Agence des ethnies du Touva, sept organisations chamaniques étaient officiellement enregistrées dans la république. L'une d'elles, «Esprit de l'ours», compte plus de 70 membres dont la majorité sont des hommes et le plus jeune a 24 ans. «Le chamanisme est un phénomène complexe qui trouve ses racines dans les particularités qui sont caractéristiques à toute personne humaine et qui sont liées à la perception de la réalité et de l'interprétation de celle-ci», explique Valentina Kharitonova, ethnologue et anthropologue.
Le plus souvent, les guérisseurs travaillent uniquement à la «clinique» car ils ne cumulent pas le chamanisme et un travail ordinaire.
Nombreux sont les chamans qui une fois qu'ils ont pris leur retraite après une carrière dans le «civil», consacrent tout leur temps à la «clinique». Celui-là a été chauffeur «dans une autre vie», celui-ci conducteur de tracteur. Nina Saryglar, chamane d'«Adyg Eeren», a travaillé toute sa vie en tant qu'aide-médecin même si, depuis l'âge de 17 ans, elle prédit l'avenir sur les pierres. Un autre chaman explique que dès sa naissance il pensait avoir un don et qu'avant de venir à la «clinique» il a essayé beaucoup de métiers: conducteur de tracteur, monteur électricien, agriculteur éleveur.
Selon les chamans, le don est transmis de génération en génération. Il est impossible d'apprendre le métier de guérisseur. «La personne contracte une «maladie chamanique», elle se voit acquérir des capacités. Mais des gens savants peuvent déceler un don chez une personne dès sa naissance en se basant sur des indices qui leur sont connus», explique la chamane Sara Saryh-Ool dont le frère et la sœur ont aussi hérité le don.
Je n'ai ni de voiture, ni de cheval, ni d'épouse, ni de maison, ma maison, ce sont la terre mère et le ciel!
Natchyn-ool Chivit-ool, chaman
«Si une personne reçoit un don de chaman en elle, le chemin vers la vie qu'elle a mené avant doit être coupé», sont convaincus les chamans.
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