Vous voulez partir sur Mars? Pour, tel le héros de Ray Bradbury, lire des livres d'argent en méditant sur les sagesses ancestrales? Ou pour faire des selfies dans les vallées de Mariner où s'étendent les plus grands canyons du système solaire? Dans ce cas vos compagnons, outre vos fidèles camarades, pourraient être une immunité réduite, la démence voire la leucémie. Qu'en penses-tu, Elon Musk? Sans oublier qu'il serait préférable de ne pas prendre de femmes pour ce voyage.

Si l'on fait la synthèse de ce que disent les scientifiques et les médias au sujet des futurs vols sur la Planète rouge, les conclusions ne sont pas réjouissantes. Sputnik s'est entretenu sur les risques d'un tel voyage interplanétaire avec un homme qui s'est déjà «rendu sur Mars», du moins sur la simulation terrestre de cette planète.

Alexandre Smoleevski, collaborateur de l'Institut d'études médico-biologiques affilié à l'Académie des sciences de Russie, a participé en 2011 au projet d'expérience russe «Mars-500» de simulation d'un vol habité, qui prévoyait également la sortie sur une surface similaire à celle de la Planète rouge, la simulation de situations d'urgence et, surtout, un isolement de 520 jours correspondant à la durée du «voyage».

Avertissement numéro 1: au cours des neuf mois du vol, l'homme est menacé par les radiations car le rayonnement ionisant se renforce au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la Terre. Et l'épaisseur des parois des vaisseaux spatiaux ne suffit pas à garantir une protection adéquate - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est préférable pour les femmes de ne pas voler sur Mars: en règle générale, elles vivent plus longtemps que les hommes et ont plus de chances de contracter un cancer à cause de l'impact cumulatif du rayonnement.

D'après Alexandre Smoleevski, le niveau des radiations menaçant l'homme pendant le vol sur Mars est déjà relativement étudié. La dose de radiation admissible qui ne menace pas la vie de l'homme mais comporte certains risques pour la santé est de 1.000 millisieverts.

Il précise: «Un cosmonaute reçoit environ 1 millisievert par jour. Un vol vers Mars représenterait donc une radiation de 520 millisieverts, ce qui ne constituerait aucune menace pour la vie. Mais il existe également un risque de contracter différentes formes de cancer. Selon les estimations des chercheurs occidentaux, la dose limite s'élève à 660 millisieverts. Autrement dit, elle s'inscrit également dans la norme. Mais il y a des complications. Premièrement, le vol durera 520 jours seulement si la position de la Terre et de Mars l'une par rapport à l'autre est optimale. Deuxième point: 1 millisievert par jour est l'impact permanent dans un contexte sans surprises. Or l'intensification de l'activité solaire pourrait en être une. Quand cela se produit, la dose peut être multipliée par plusieurs centaines et tuer immédiatement l'équipage.»

L'expert note que les technologies d'isolation des fusées existantes permettent déjà de réduire la dose des radiations de 30%.

Avertissement numéro 2: l'absence presque totale de gravité peut affaiblir les muscles de l'organisme, y compris du cœur. De surcroît, plus l'homme reste dans l'espace, plus c'est néfaste pour le tissu osseux. Entre autres, la distance entre les vertèbres augmente, ce qui entraîne des douleurs. Des migraines et une perte d'appétit sont également possibles.

Alexandre Smoleevski indique que l'absence de gravité représente effectivement un grave danger, c'est pourquoi les scientifiques planchent depuis longtemps sur des moyens préventifs. L'institut d'études médico-biologiques est l'un des pionniers dans ce secteur: il met notamment au point des systèmes d'entraînement, des combinaisons spéciales et une centrifugeuse spéciale à rayon réduit.

«Après la pratique de ces entraînements, l'homme est tout à fait capable de se sentir normalement même après l'atterrissage suite à un long vol spatial», dit-il.

Avertissement numéro 3: dans l'espace, il faudra rarement changer de sous-vêtements, oublier la douche et la possibilité de faire sa lessive. Et, pendant presque un an, vivre avec l'idée qu'en cas de problème personne ne pourra vous venir en aide. Et tout cela dans un espace confiné. Faites le plein de somnifères.

«Pendant l'expérience «Mars-500» nous avons conclu qu'il était plus économique d'utiliser des sous-vêtements à usage unique. Tout en testant différents matériaux avec des propriétés antibactériennes et anti-salissantes permettant d'augmenter la durée de leur port. Pour les procédures hygiéniques il existe des serviettes humides imprégnées d'une solution spéciale qui élimine efficacement la crasse, la transpiration et la graisse. Il existe un shampooing spécial, Aelita, qui ne nécessite pratiquement pas d'eau. En revanche, quoi qu'il arrive, un individu habitué à prendre une douche deux fois par jour dans des conditions confortables en chantant sous le jet d'eau ne se sentira pas à l'aise dans de telles conditions», poursuit Alexandre Smoleevski.

Avertissement numéro 4: supposons que vous avez réussi à vous rendre jusqu'à Mars et même à atterrir sans vous écraser. L'atmosphère de la Planète rouge est environ 100 fois moins dense que celle de notre planète - vivre n'y est donc pas une tâche facile. La température annuelle moyenne sur Mars est de -62°C et les fluctuations sont très significatives - il peut donc faire très chaud en journée. D'ailleurs, les visiteurs de Mars resteront soumis au rayonnement ionisant. Ce qui pourrait conduire à la dégradation des fonctions cognitives – autrement dit, les arrivants cesseront de gérer les systèmes qui leur ont été confiés ou oublieront ce qu'ils ont à faire. Voire contracteront la leucémie.

Alexandre Smoleevski fait remarquer que le niveau de radiation sur Mars est effectivement élevé. De plus, à la surface, la force de la gravité est inférieure à celle de la Terre, ce qui affectera notamment l'activité motrice de l'homme.

«Tous ces facteurs physiques auront pour effet que l'homme ne pourra sortir, même dans son scaphandre, que pendant une durée très limitée. Il vivra essentiellement sur le territoire de la base, qui sera probablement enterrée sous la surface pour réduire la dose des radiations et empêcher la perte de chaleur», explique l'interlocuteur.

Ce dernier pense que les fonctions cognitives pourraient être entamées à cause de la fatigue, du stress, ainsi que du décalage des rythmes biologiques:

«Le rayonnement ionisant pourrait également conduire à la dégradation des fonctions en cas d'endommagement de certaines régions du cerveau. Mais c'est un processus plus lent que la fatigue ou le stress. Les cosmonautes qui partent sur la Station spatiale internationale (ISS) sont également soumis au rayonnement ionisant, mais ils n'ont pas encore rencontré de tels problèmes», dit-il.

L'expert pense que dans le meilleur des cas, le vol d'un homme sur Mars aura lieu après 2030. Quant au tourisme, c'est une perspective encore plus éloignée car un simple touriste ne pourra pas se rendre là où un cosmonaute a simplement volé: cela nécessite une infrastructure appropriée.