Une guerre ou
une révolution?
Souvenirs de Syriens sur mars 2011
Chemin vers une nouvelle Syrie ou anéantissement programmé de l'ancienne? Élan révolutionnaire ou début d'une guerre sanglante et sans merci fomentée de l'étranger? Dans leurs commentaires à Sputnik, trois Syriens vivant aujourd'hui à l'étranger partagent leurs souvenirs du mois de mars 2011, celui où tout a commencé. Trois récits, trois visions…
Trahison
de la patrie
Étudiante boursière dans un pays européen, Faten est persuadée que son pays a été trahi. Trahi par des gens avides instrumentalisés depuis l'étranger. Le début des événements, qui se transformeront plus tard en une véritable guerre à grande échelle, a été pour elle une surprise.
«Lorsque ce qu'on appelle le "Printemps arabe" a commencé en Tunisie, en Égypte et en Libye, j'étais persuadée que rien de tel n'arriverait jamais à la Syrie, que ces événement resteraient loin de ses frontières, surtout qu'au cours des années ayant précédé 2011 des développements tous azimuts ont eu lieu dans plusieurs domaines de la vie de la société».
Comment explique-t-elle donc ce qui s'est passé? Elle voit derrière l'intolérance religieuse, la jalousie et l'avidité qui a poussé les gens à courir derrière l'argent. «Ils ont comploté avec les autorités turques et américaines contre leur pays», pointe-t-elle.

Annonçant qu'ils «militent au nom de la liberté et de la démocratie», ils ont «détruit et incendié les biens publics et privés, ont ouvert le feu, rejetant la responsabilité sur les autorités».
|
Le 15 mars 2011, dans la foulée des «Printemps arabes», les premiers rassemblements antigouvernementaux débutent en Syrie. Les opposants manifestent dans la capitale du pays, Damas. Dans les jours qui suivent, les troubles se déplacent dans la ville de Deraa, proche de la Jordanie. Le 18 mars, les médias annoncent la première effusion de sang.
Le 29 mars, le Président syrien dissout le gouvernement, intervenant le lendemain devant l'Assemblée du peuple, Bachar el-Assad confirme que les autorités du pays mettent le cap sur la tenue de réformes. Le but annoncé est d'introduire le multipartisme, d'adopter une loi élargissant la liberté des médias et de réformer le système judiciaire. Le 3 mars, le nouveau Premier ministre, Adel Safar, est désigné.
Dès avril 2011, les manifestations se propagent dans d'autres villes et localités du pays. Le 21 avril, Assad promulgue un décret disposant de la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963, une des principales revendications des contestataires.
Le 25 avril, les troupes gouvernementales entrent dans la banlieue de Damas, à Deraa et à Djebla où les meetings, accompagnés de troubles et de dégradations, se poursuivent. Fin juillet, l'armée syrienne lance l'assaut sur Hama, ville qui a connu en 1982 le soulèvement des Frères musulmans*.
Vers la fin de l'année 2011, la crise politique se transforme en un conflit civil. Les demandes de plus de droits démocratiques et de libertés politiques, déclamées par les protestataires pour la plupart sunnites, se voient substituer par des appels au renversement des autorités.
L'année 2012 est marquée par une série d'explosions et d'attentats-suicides. Les attaques visent des gendarmeries et des bus, mais aussi des quartiers peuplés par les minorités confessionnelles.

En juillet 2012, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qualifie la situation en Syrie de guerre civile.
De nombreux analystes estiment que c'est le soutien accordé aux opposants par les acteurs régionaux et internationaux qui a joué le rôle principal dans l'aggravation de la situation dans le pays. L'aspiration des monarchies du Golfe et de certains pays occidentaux à changer le régime dans le pays a conduit à la militarisation du conflit.
Les appels au départ de Bachar el-Assad vont de pair avec la formation à l'étranger de structures d'opposition se voulant alternatives au pouvoir syrien, dont le Conseil national syrien (CNS), en Turquie, ou la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution (CNFOR), au Qatar.
Parallèlement, se forme l'aile militaire de l'opposition sous la protection de la soi-disant Armée syrienne libre (ASL). L'activité terroriste et de subversion évolue au fil du temps en une guérilla à grande échelle. En conséquence, une importante part du territoire syrien à la frontière avec la Turquie et l'Irak passe sous le contrôle de l'opposition armée. La «ligne de front» passe très près de la capitale.
La logique de l'évolution du conflit a conduit à la polarisation de la société syrienne, y compris sur la base confessionnelle. Dans ce contexte, les positions des islamistes radicaux dans les rangs de l'opposition armée avec leurs appels au djihad (guerre sainte en islam) prennent de l'ampleur. En conséquence, des milliers de «combattants au nom de la religion» affluent en Syrie des quatre coins du monde arabo-musulman.
Vers la fin de l'année 2015, plus d'un millier de groupes armés antigouvernementaux comptant dans leurs rangs plus de 70.000 combattants sont présents sur le sol syrien. Parmi eux figurent des mercenaires étrangers et des extrémistes. À l'été 2014, l'organisation terroriste Daech* venue d'Irak proclame l'instauration de son «califat» en Syrie.
Left
Right
«Les résultats de leurs actions sont des milliers de déplacés, de morts et l'infrastructure détruite. Regardez ces enfants restés sans écoles, des gens vivant sans électricité, ni communications, ces vieillards restés sans médicaments, ni maisons en plein hiver», constate-t-elle.
Ce qu'ils appellent la «révolution» n'a rien à voir avec la révolution, assure l'interlocutrice de l'agence. «La révolution doit être populaire et non importée de l'extérieur. La révolution doit remplir les intérêts du peuple et non agir contre ce dernier. […] Ces gens, ils sont contre leur pays».
En parlant de l'avenir de son pays elle se montre pourtant confiante. «La Syrie restera libre et reviendra encore plus forte qu'avant». Et c'est là qu'elle voit son avenir ainsi que celui de ses enfants, car chaque citoyen, souligne-t-elle, doit rester fidèle à son pays et contribuer à son développement. Ce sentiment de patriotisme, dit-elle, est inconnu de ceux qui ont pris part à la destruction de la Syrie.

Beaucoup d'entre eux «ont fui le pays avec les poches remplies d'argent, ayant volé les biens du peuple. Ils cherchent à se faire une nouvelle vie après avoir détruit leur pays. C'est ce à quoi ils rêvent. Mais ils détruiront et gâcheront aussi ce qui les entoure à l'étranger», termine-t-elle son témoignage.
|
Le conflit syrien entre dans une nouvelle phase en août 2013, lorsqu'une série de médias font état d'un attaque chimique
d'envergure ayant fait plus de 600 victimes dans les environs de Damas.
L'attaque chimique a déclenché une discussion sur la nécessité de lancer une intervention militaire en Syrie. Alors, la Russie propose de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international. Selon Moscou, cette mesure doit permettre d'éviter une frappe militaire américaine sur la Syrie.

En conséquence, la Syrie a évacué un total de 1.300 tonnes d'agents chimiques. Le transfert de ces armes et leur destruction sont le fruit de l'adhésion de Damas à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) en octobre 2013 dans le cadre d'un accord russo-américain ayant permis d'éviter une intervention militaire américaine en Syrie.
Depuis septembre 2014, la coalition internationale sous commandement américain commence à bombarder
les positions de Daech* en Syrie, intervenant sans l'aval de Damas.
Dès le début du conflit, la Russie avait offert à Damas son soutien diplomatique. Au printemps 2011, la Russie avait bloqué les projets de résolutions antisyriennes proposés par des pays occidentaux et arabes.
Left
Right
Un fratricide
Ahmad, ce Syrien d'une trentaine d'années, est un spécialiste hautement qualifié qui travaille aujourd'hui à l'étranger au sein d'une organisation internationale. «Je ne suis pas réfugié comme beaucoup de mes compatriotes, mais un heureux qui a réussi à trouver un bon emploi. […] Ce qui ne fait pas de moi quelqu'un de privilégié», explique-t-il, commentant sa vie actuelle. «Pour les autres je suis un "survivant", certains m'appellent une "victime" et la plupart d'entre eux voient en moi un réfugié qui a eu de la veine, même s'ils ne le disent pas à haute voix».
Comment tout a commencé? Interrogé sur le début des événements qui secouent depuis voilà sept ans son pays, faisant de la Syrie un des sujets clés de l'actualité internationale, il plonge dans ses pensées.

Les premières nouvelles à la fois inquiétantes et contradictoires proviennent d'Afrique du Nord – de Tunisie, puis d'Égypte et de Libye.

«Les gens discutent des révolutions qui secouent ces pays, mais qui ne vont jamais frapper notre pays qui est bien mieux et où on s'aime», c'est ainsi qu'il décrit les semaines qui ont précédé le 15 mars, le jour où les premières manifestations ont eu lieu en Syrie.
Mais les protestations commencent et des gens descendent dans les rues, demandant plus de liberté et plus de droits.
«Je suis confus… Je comprends ce qu'ils veulent et je pense que ceci a du sens et je suis sûr que la voie qu'ils choisiront sera sage… ce qui n'a pas été le cas», décrit-il ses premiers sentiments ressentis à l'époque.
Et la situation a vite dérapé, se dégradant d'une semaine à l'autre et affectant les relations humaines. «Les amis d'antan ont changé d'attitude, à partir de là ils te regardaient à travers un prisme de questions: "Avec qui es-tu?", "Est-ce un ami ou un ennemi?"», relate-t-il.

«L'intention était claire – quelqu'un a voulu qu'il y ait un cercle sanglant», explique-t-il, ajoutant que même ceux qui voulaient s'en distancier s'y voyait entraînés malgré eux.
«Un proche ou un ami disparaît et, disposé à tuer pour le venger, en une seconde tu passes de l'autre côté du cercle».
Selon Ahmad, jusque-là unis, les Syriens ont été divisés en «nous» et «eux», ils ont dû peser chaque mot avant de le prononcer devant l'«autre».

«En mars 2011, nous avons perdu un rêve, le rêve du pays… Nous avons perdu l'amour qui était la clé de voute du pays. Nous avons perdu et continuons à perdre, même ceux qui croient avoir gagné», clôt-il son récit.
|
Le 30 septembre 2015, le Président Bachar el-Assad s'est adressé à Moscou demandant une aide militaire.
Les forces aériennes russes entament leur opération militaire contre les terroristes en Syrie.
En décembre 2017, le Président Poutine annonce l'élimination complète de Daech sur les deux rives de l'Euphrate en Syrie. Le 11 décembre, l'ordre est donné d'entamer le retrait de la majorité du contingent russe de Syrie après la défaite infligée à Daech dans le pays.
Les tentatives de déboucher sur un règlement politique en Syrie sont menées sur des plateformes internationales, plus précisément celle de Genève et celle d'Astana, au Kazakhstan. C'est sur cette dernière, initiée par la Russie, la Turquie et l'Iran, qu'a été signé le mémorandum portant sur la création de zones de désescalades et atteintes une série d'autres ententes susceptibles d'aboutir à un règlement politique entre les parties en conflit.
Left
Right
Aucun regret?
Toutefois, pour une partie des Syriens le mois de mars 2011 n'a point été un choc, ni une surprise et même aujourd'hui, à l'issue de sept ans d'événements tragiques, leur vision des choses n'a pas été ébranlée.
En écoutant ma question, un autre Ahmad, médecin travaillant aujourd'hui en France m'interrompt pour me corriger. À ses yeux, il ne s'agit point d'une «guerre» mais d'une «révolution» qui a débuté en mars 2011. À l'époque, il habitait une banlieue de la capitale syrienne et poursuivait ses études en travaillant parallèlement dans un hôpital universitaire.
«Ce que j'ai ressenti en mars 2011? J'étais excité, j'étais content et optimiste. Je croyais qu'on allait voir [naître] une autre Syrie au lieu de celle dans laquelle on vivait depuis des dizaines d'années. Je m'attendais à ce que la révolution aboutisse au moins à la démocratie. Je savais que ceci pourrait être long et que ça prendrait du temps et qu'il pourrait y avoir des dégâts», c'est ainsi qu'il résume ses premiers sentiments. Il avoue toutefois ne pas s'être attendu à ce que les événements aillent si loin, ni à l'envergure des conséquences.

Les déchirements décrits plus haut par son homonyme lui semblent étrangers, lui qui assure que dans son entourage la plupart des gens partageaient son opinion.
En soulignant qu'il dirait une chose «antirévolutionnaire», il avoue toutefois que la vision des choses changeait en fonction de l'appartenance confessionnelle des Syriens. Cependant, affirme-t-il, ce schisme au sein de la société n'a pas affecté les liens d'amitié qui le liaient à des membres d'autres confessions. «On est en 2018 et j'ai toujours jusqu'à aujourd'hui des amis chrétiens et alaouites, […] ça n'a jamais affecté notre relation».
Sa vision de la situation a-t-elle changé en sept ans? «Aujourd'hui, c'est un sentiment de tristesse. C'est malheureux que les choses se soient passées ainsi, mais ni aujourd'hui, ni hier, ni l'année dernière, je n'ai jamais eu de sentiment de regret. Je ne regretterai jamais», souligne Ahmad.
Selon lui, tout changement social «a un prix». «Malheureusement, le prix que les Syriens sont en train de payer aujourd'hui est très cher, mais ça va changer la Syrie de façon immense. Vers le pire ou vers le meilleur, ça je ne le sais pas pour le moment. Mais ça va changer complétement le visage de la Syrie», poursuit-il.

En évoquant la Syrie de ses rêves, il parle d'un pays plutôt utopique, un fait qu'il reconnaît d'ailleurs lui-même. «J'aimerais bien voir une Syrie où il y a des gens comme moi. Mais c'est un rêve, c'est impossible d'avoir une Syrie façonnée à ma manière», résume ce médecin.

|
Le 30 septembre 2015, les Forces aérospatiales russes ont réalisé leurs premières frappes contre les positions du groupe terroriste Daech* en Syrie et ce après que le Président de ce pays proche-orientale a demandé l'aide militaire de la Russie.
Alors, plus de 50 avions et hélicoptères des Forces aérospatiales russes, dont des Su-24M, des Tu-22M3 et des Mi-24, ont été dépêchés dans le pays.
Rien qu'au cours du premier mois de leur déploiement, les Forces aérospatiales de Russie ont effectué 1.391 missions de combat, anéantissant des cibles terroristes, dont des camps d'entraînement et des bases.
Le 7 octobre 2015, des navires russes se sont joints à l'opération tirant des missiles de croisières sur 11 cibles terroristes depuis la Caspienne.
C'est le 17 novembre que l'aviation stratégique russe effectue ses premières missions.
Si, dans un premier temps, l'aviation russe visait principalement les postes de commandement, les états-majors, les entrepôts et d'autres sites terroristes, ensuite c'est l'anéantissement des sources de revenus des terroristes qui devient prioritaire.
L'aviation a appuyé l'armée syrienne dans ses opérations de libération des villes du pays du joug terroriste, dont Palmyre, Alep…
Outre l'aviation, la police militaire russe et des démineurs sont engagés en Syrie.
Left
Right
*Organisations terroristes interdites en Russie
Made on
Tilda