Du remorqueur à vapeur Admiralteets au bateau-musée mondain Admiral
Le remorqueur maritime à vapeur Admiralteets appartient au projet 730 du type Aïan. Il fait partie de la classe des navires appartenant à la flotte technique, utilitaire et auxiliaire c'est-à-dire les remorqueurs et les pousseurs.
Les remorqueurs du projet 730 datent des années 1940 et 1950. En tout, plus de 120 bateaux de ce projet ont vu le jour. Les matériaux pour leur construction provenaient des quatre coins de l'Union soviétique. Le métal pour la coque était obtenu à partir des machines capturées pendant la guerre ou du minerai extrait dans des mines partout dans le pays, les composants d'équipements à bord du bateau et les générateurs provenaient de la fameuse usine Ijora, située à Kolpino, près de Saint-Pétersbourg (appelé alors Leningrad), et le moteur à vapeur était produit par l'usine Molotov à Taganrog.
La jauge brute du remorqueur est de 239 tonnes, son port en lourd (chargement maximal qu'un navire peut emporter et qui est égal au déplacement en charge moins le déplacement lège) est de 89 tonnes. Sa longueur est de 32,80 mètres, sa largeur est de 7,62 mètres. Son hauteur standard est de 4,10 mètres et sa calaison est de 3,10 mètres.
Un moteur à vapeur exceptionnel était prévu pour cette classe de navires.

Type du moteur principal: moteur à vapeur à triple expansion

Puissance du moteur principal: 1 x 500 ch

Vitesse: 10,5 nœuds (un nœud correspond à 1,852 km/h ou à un mille marin par heure, soit 0,514 mètre par seconde).
Les remorqueurs du projet 730 étaient des bateaux polyvalents. Ils étaient en service dans tous les ports du pays en faisant du remorquage et du retournage, en approvisionnant les navires en eau et en combustible, en brisant la glace, en fournissant de la vapeur à des bateaux en construction et à des ouvrages hydrauliques, en aidant des navires militaires, en faisant office de sauveteurs, chargeurs, transporteurs – et cette liste n'est pas exhaustive. Nombreux étaient les capitaines et les mécaniciens débutant dans la profession à faire leur premier stage à bord d'un remorqueur du projet 730.
Des «Riouriks» laborieux

Ce petit remorqueur à vapeur a été surnommé «Riourik». Aujourd'hui, personne ne se souvient d'où vient ce surnom. Il s'explique peut-être par un rapprochement fait avec le prince varègue Riourik, le premier prince de Novgorod et fondateur de la dynastie riourikide. Ou bien il est lié au lieu de naissance de ce remorqueur à vapeur.

Lieu de naissance: chantier naval impérial


La construction du remorqueur Admiralteets, dont le numéro de fabrication est 415, a été terminée le 29 mars 1956 sur le chantier naval Petrozavod (anciennement chantier naval Okhtinskaïa). Le chantier naval Okhtinskaïa a été fondé par Pierre le Grand en 1721. Il était situé à la périphérie de Saint-Pétersbourg, une ville récemment fondée. C'est aussi en 1721 que le pays est devenu l'Empire russe avec un empereur à sa tête et une capitale transférée à Saint-Pétersbourg.
Le remorqueur Admiralteets est un hors-série: du mobilier en chêne dans la cabine du capitaine et dans le carré, un rouf blindé, un magasin pour les munitions et un pont renforcé permettant d'y installer un canon. Grâce à son cabestan, il pouvait même draguer les mines. Un remorqueur ayant un tel équipement était pratiquement assimilé à un navire de guerre, plus concrètement à un dragueur de mines.

Après son lancement le 3 mai 1956, le remorqueur a été affecté à l'Amirauté de Leningrad en intégrant la flotte auxiliaire de la marine de guerre soviétique. Il a été baptisé l'Admiralteets et a eu son code radio «OuBAA». Ses performances techniques lui permettant de naviguer dans des glaces brisées une certification glace renforcée lui a été attribuée.
Service en Estonie

Le remorqueur Admiralteets a servi dans le port de Bekker à Tallinn. C'était une base de l'Amirauté où étaient testées toutes les dernières créations de l'industrie militaro-navale.


Avant la Première Guerre mondiale, c'est dans le port de Bekker que l'Usine russo-baltique et l'usine de la société anonyme Bekker et Cnie construisaient des brise-glace. C'est aussi dans le port de Bekker qu'ont été lancés trois destroyers de la classe Novik. À l'époque soviétique, les locaux et les chantiers de l'Usine russo-baltique ont abrité l'Usine baltique de réparation des navires.
Le bâtiment d'essais et de mesurage Maréchal Nedeline
Le remorqueur à vapeur Admiralteets a participé pendant son service à l'approvisionnement de quelque 200 navires y compris des sous-marins et des brise-glace Arktika et Sibir, des pétroliers Varshava, Pékin, Sofia et du navire de communications spatiales Maréchal Nedeline.

Le remorqueur Admiralteets conduisait périodiquement via le port de Lomonossov à Tallinn des patrouilleurs lance-missiles revêtus de contreplaqué pour garder l'expédition secrète. Le capitaine du navire Admiralteets, Olaf Vaarmaa, écrivait dans ses mémoires que les missions du remorqueur étaient secrètes.
Quatre capitaines

Le capitaine Kovcharov a été le premier commandant du remorqueur Admiralteets et Gouraliouk en a été le premier mécanicien. Le capitaine Léonide Khoutoretski et ensuite le capitaine Pyldver les ont rejoints à bord du remorqueur en Estonie. Olaf Vaarmaa a commencé son service à bord de l'Admiralteets comme troisième adjoint pour devenir plus tard le dernier commandant du remorqueur. Tous les commandants ménageaient le navire et maintenaient en très bon état sa machine à vapeur.
«Je réfléchis à pourquoi l'Admiralteets s'est aussi bien conservé. Ses quatre commandants entretenaient le remorqueur comme leur propre navire».
Olaf Vaarmaa
capitaine de l'Admiralteets
Seconde vie du remorqueur

L'Admiralteets a travaillé 33 ans à la base de Tallinn, ses documents du Registre maritime ont expiré en 1989. Il était nécessaire de le mettre à sec pour en réparer la coque. Pendant la perestroïka, personne ne se souciait du sort du remorqueur! Or, il a été décidé de choisir un nouveau propriétaire. L'annonce concernant la vente du navire a été publiée dans le journal Sovietskaïa Estonia.

Bateau mondain


Le jeune entrepreneur et navigateur Igor Groïitch a acheté le remorqueur et lui a donné une seconde vie…
Le nouveau propriétaire a remis tout de suite l'Admiralteets en état l'ayant mis à sec dans le port de Loksa: le navire a été repeint, l'arbre porte-hélice remplacé. Ensuite, le matériel d'isolement a été remplacé à Lennusadam de Tallinn, une des chambres refaite en salon, le système d'évacuation d'eaux usées installé. Une jolie bande bleue a été tracée sur la superstructure du remorqueur. Igor Groïitch maîtrisait le métier de menuisier en construction nautique et a revêtu lui-même le carré de chêne et d'orne.

L'Admiralteets a effectué sa première expédition de Lennusadam au yacht-club du Centre olympique des sports de voile de Tallinn.
L'Admiralteets devient l'Admiral

En 1990, le remorqueur rénové Admiralteets est devenu un bateau de plaisance à Tallinn ce qui a été commenté dans les médias.

L'équipage du remorqueur a été pour la première fois invité la même année aux Journées de la mer dans la ville de Kotka, en Finlande. Les membres d'équipage ont dû répondre à de multiples questions: qui était l'amiral Teets et où il avait fait son service. C'est ainsi que le remorqueur a reçu son nouveau nom: Admiral.

Avant 1996, le bateau Admiral a plus d'une fois participé aux Journées de la mer, aux défilés de navires anciens à Helsinki, à Hambourg et à Kotka. L'équipe a pris part entre 2004 et 2006 aux Journées de la mer à Tallinn.
L'Admiral sillonnait la Baltique de Saint-Pétersbourg à Hambourg en assumant sa mission directe: il remorquait des navires et des sous-marins en Finlande et chauffait les croiseurs et les brise-glace en chantier à Saint-Pétersbourg, notamment le croiseur porte-missiles Piotr Veliki.
Restaurant Admiral

En 1996, le remorqueur Admiral a été réaménagé en bateau-restaurant. Ce fut un travail minutieux et compliqué.

La machine à vapeur et le gréement ont été conservés.
Bateau-musée historique

Aujourd'hui, le bateau à vapeur Admiral est en quelque sorte un musée. À son bord, on trouve une collection exceptionnelle de documents et d'objets historiques retraçant l'histoire du navire et l'époque de la flotte à vapeur. Le salon et les chambres sont ornés de maquettes de bateaux anciens, de tableaux et de dessins représentant le navire historique.
Quant au bateau, il est lui-même devenu un témoignage vivant de l'époque des bateaux à vapeur. Il est conforme aux standards internationaux de sécurité et se trouve sous le contrôle du Registre maritime russe. Le capitaine Olaf Vaarmaa a remarqué que le remorqueur avait une grande stabilité. «C'est un navire qui est petit mais excellent. Comme un canard, il ne plongeait pas dans la vague mais la remontait», a expliqué le capitaine.


Le bateau à vapeur Admiral fait partie de la «flotte» du Patrimoine maritime européen et de la liste de bateaux historiques d'Estonie. L'Admiral est classé bateau historique également par le Département de la navigation d'Estonie.
«Dans les pays baltes, il n'y aucun bateau maritime à vapeur à l'exception de l'Admiral qui est capable de prendre la mer avec des passagers à son bord. En Russie, il y a un bateau fluvial à vapeur, le Gogol, qui est capable de naviguer avec des passagers à bord sur la Dvina occidentale. Il n'y a aucun autre bateau maritime capable de le faire qui figurerait au Registre maritime».
Igor Groïitch
propriétaire de l’Admiral
Dans les pays baltes, le remorqueur à vapeur Admiral est le seul bateau à vapeur historique capable d'embarquer jusqu'à 60 passagers et d'effectuer des trajets dans la baie de Tallinn.
«Il est opérationnel. Si on ne s'en occupe pas, c'est autre chose. Mais là, il est opérationnel. On met en marche le générateur et c'est parti. Il est opérationnel».
Petr Barsouk
mécanicien de l’Admiral
Le dernier examen du remorqueur en darse date de 2014. L'examen suivant est prévu pour 2019. Et jusqu'à aujourd'hui l'Admiral prend la mer avec son moteur à vapeur d'origine.
Made on
Tilda